Après L'Etat-nation

     L'Europe, nouvel eldorado pour la reconquête du politique sur la sphère économique. Tel est la thèse défendue par Jürgen Habermas, dans son essai Après l’Etat-nation (éditions Fayard, 2000).

     Le philosophe allemand Jürgen Habermas analyse dans cet ouvrage la perte des moyens du politique, et donc de son outil principal, l’Etat-nation. Il serait aujourd’hui incapable de résister aux lois du marché, dictées par un monde financier et économique aux intérêts convergents et aux pouvoirs croissants. A l’inverse, le pouvoir politique est radicalement atomisé, divisé en près de 200 Etats. Et la réalité économique les pousse au dumping social, à la réduction des cotisations sociales et donc de la redistribution, pour attirer les investisseurs sur leur territoire. Ainsi, en concurrence entre eux, les Etats sont poussés à se dessaisir de tous les moyens d’intervention politique et de régulation du marché. Dès lors, on en arrive à la situation actuelle où la politique s’apparente toujours davantage à la gestion, où les ministres de l’Economie sont des chefs d’entreprises et où les hommes politiques font face à une défiance générale et durable.

     Habermas voit donc en l’Europe la solution essentielle à ce problème. Certes, ses politiques actuelles sont loin d’être porteuses de progrès social. Toutefois, l’Union européenne est potentiellement un centre de décision politique fort, à même de s’imposer face au pouvoir économique. Puisque ce dernier est extrêmement centralisé dans les grandes places financières, la solution se situe dans une centralisation du politique, au delà de l’Etat-nation. C’est donc pour réaffirmer la primauté de la politique et de l’intérêt général, que la construction d’une Europe fédérale est essentielle et doit servir de modèle aux autres organisations régionales type Mercosur. A l’inverse d’un grand nombre des ouvrages de son auteur, Après l’Etat-nation s’aborde facilement.

    Relativement court (150 pages), il regroupe trois textes distincts mais à la même problématique. Surtout, il fait écho à la République européenne, que nous défendons depuis de nombreuses années comme moyen de faire primer les décisions politiques sur les intérêts économiques et d’imposer des nouvelles protections à notre économie. Jürgen Habermas démontre ainsi que le combat pour la rénovation des outils politiques, pour leur renforcement et leur adaptation au monde contemporain, est éminemment politique et doit faire l’objet d’un engagement accru de la part de tous ceux qui s’alarment de la perte de moyen du politique.

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