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Le blog des JSR à Paris
1 février 2009

Une vision du monde

Contribution générale présentée par les « Jeunes Socialistes pour la Rénovation »

version3

Déposée par: 

Benjamin Baudry (SBN)*, Alexandre Borderies (SBN), Mickael Boutines (AF 32)**, Juliette Cocagne (CR Pays de la Loire)***, Romain Cujives (SBN), Anthony Douet (AF 16), Jérôme Gervais (CR Midi-Pyrénées), Vincent Gibert (AF 31), Simon Jolles (CNA)****, Flora Labourier (BN), Pierre Lebeau (AF 44), Cédric Chénot (AF 23), Delphine Litchmann (AF 09), Lionel Marquant (AF 85), Fanny Petton (AF 71).

*: SBN= Secrétariat du Bureau National

**: AF= Animateur/trice Fédéral

***: CR= Coordinateur/trice Régional

****: CNA= Commission Nationale d'Arbitrage

 


Du constat des échecs à la proposition d’une nouvelle donne: 

    L'année 2008 sera peut-être l'année où le modèle libéral aura vu son hégémonie idéologique se fissurer. Le système capitaliste n’est plus capable d’assurer le progrès social. Nous ne pouvons que craindre les conséquences des crises actuelles. Les déclarations de bonnes intentions sur la prétendue moralisation du capitalisme ne satisfont que ceux qui, acquis au système actuel, souhaite le préserver au maximum, ne concédant que des avancés « cosmétiques ».

     Le monde a successivement été secoué par de nombreuses crises dont les causes, sans prétendre qu’elles soient uniques et semblables, ont des origines systémiques en grande partie liées à un capitalisme inconscient, productiviste et financiarisé, déconnecté de l’économie réelle et de ses conséquences sociales et environnementales.

     Quatre évènements majeurs sont actuellement en cause : la crise des subprimes et sa conséquence, la crise boursière mondiale, l'explosion du coût des matières premières, pétrole en tête, et enfin la crise alimentaire déclenchant des émeutes de la faim d'une intensité et d'une importance qu'on n'avait plus observées depuis plusieurs décennies. Ces multiples crises s'ajoutent et communiquent les unes avec les autres. Elles ont une origine commune : le système capitaliste abandonné à la recherche du seul profit de l’actionnariat par 30 années de déréglementation systématique sous la pression perfide des instances internationales.

     La France, en rien épargnée, s’enfonce dans une grave crise sociale, qui touchera en premier lieu les plus faibles de ses concitoyens. Les réponses politiques apportées par l’Etat doivent être à la mesure des urgences d’aujourd’hui et des enjeux de demain. Il n’en est rien, puisque le plan Sarkozy simule une relance poudre aux yeux, cantonnée à aider nos entreprises sans contreparties politiques. La gauche doit dès lors s’opposer frontalement, mais surtout globalement, à cette politique minimaliste, et proposer l’alternative. Il faut bien sûr soutenir notre production et rétablir notre compétitivité, mais en conditionnant l’intervention de la puissance publique à une hausse des salaires, à des investissements utiles, ou à une participation accrue des salariés et de l’état dans la gestion des entreprises. De même, l’occasion est une nouvelle fois manquée de se tourner véritablement vers une croissance verte, afin d’armer la France et l’Europe aux grands défis climatiques et énergétiques de demain. Mais il faut surtout ne répondre à l’urgence sociale par une véritable relance du pouvoir d’achat, dont les vertus macro-économiques ne sont plus à démontrer.

     Loin du catastrophisme ambiant, nous ne militons pas pour la peur du lendemain, nous devons collectivement incarner l’espoir auprès des nouvelles générations. La gauche a le devoir de proposer une nouvelle donne, en s’opposant tout en proposant, avec ouverture et fermeté, sans dogme mais avec une exigence : inventer à gauche les réponses politiques du changement.

     Pour cela et à la modeste place qui est la notre, nous proposons de penser autrement la notion de développement, la replacer au cœur de notre projet, et rénover les outils de l’action politique.

Ce défi réclame deux exigences fortes, qui formeront la base de ce projet politique novateur :

  • penser ensemble les problématiques sociales, environnementales et économiques, pour construire un modèle de développement durable

  • inscrire notre action dans un nouvel internationalisme, conscient de ses priorités, pour contribuer à un développement solidaire.


Pour un modèle de développement durable:

     L'enjeu du développement durable est de réconcilier les trois piliers de la société : le social, l’économie et l’écologie.

    Nous souhaitons dépasser le capitalisme actuel qui fait de l’accumulation de richesses l’unique objectif de l’activité humaine, au mépris des inégalités sociales qu'il engendre et des dégradations de l’environnement qu’il entraîne. Les forces économiques, enferrées dans leur vision « court-termiste », viennent perturber les grands équilibres naturels : les ressources naturelles s’amenuisent, les émissions de gaz carbonique réchauffent rapidement l’atmosphère, portant atteinte à la biodiversité, alors que la pression démographique croissante va provoquer des migrations d’envergure.

     La défense de l'environnement, qui pouvait il y a encore quelques années apparaître comme un impératif éthique, est aujourd’hui devenu un impératif social : les plus exclus seront les premières victimes des dérèglements écologiques. Ce n’est qu’en intégrant cette triple exigence – justice sociale, efficience économique, respect de l’environnement – que nous réaliserons un réel mode de développement durable. 

    Ce changement de paradigme politique ne pourra être mis en œuvre qu'en s'appuyant sur une importante révolution démocratique.

    Institutionnelle d’abord, celle-ci passe au niveau français par une VIème République, parlementaire et primo-ministérielle, tant de fois évoquée. Spatiale ensuite, avec une décentralisation et une démocratie locale associant au maximum les populations aux projets territoriaux. Sociale, pour qu’enfin les salariés et syndicats puissent peser dans la gestion de leur entreprise, et que les associations jouent un rôle d'alerte sociale et environnementale. Médiatique et numérique, pour que le pluralisme et l’indépendance des médias  soient garantie et l’accès à l’information soit universel. Et enfin, européenne et internationale, pour agir efficacement, et au bon niveau, dans le cadre d’une mondialisation des enjeux politiques.

     La démocratisation de nos outils politiques a deux impératifs : l’adhésion du plus grand nombre à un projet commun, et l’efficacité d’une puissance publique renforcée.

Voici quatre axes illustrant cette orientation :

     1) La mise en place d’une véritable fiscalité écologique, pour que l’économie de marché comptabilise le coût environnemental de nos productions. La puissance publique doit donc agir sur les prix (éco-taxe, surtaxation, etc.) afin de contraindre le marché à des choix vertueux, d’un point de vue social et environnemental. Les recettes générées doivent exclusivement être redistribuées en direction des moins favorisés (tarifs sociaux énergétiques, isolation de l’habitat, etc.), et vers des investissements durables (énergies renouvelables, transports collectifs, recherche, etc.).

     2) La refonte des indicateurs de croissance est absolument nécessaire. Elle ne pourra se faire qu'à travers un questionnement sur les finalités du développement et du progrès social. Ils pourraient conditionner la mise en place de taxe sur les flux de capitaux, ou de tarifs extérieurs négociés afin de veiller aux respects d’équilibres sociaux et environnementaux internationaux. Dans la même logique, le secteur de l’économie sociale et solidaire, qui représente en France 10% du PIB et de nos emplois, est à favoriser. A mi-chemin entre le marché et la sphère publique, il offre un cadre aux ’individus, organisés et engagés, à entreprendre et créer (la plupart du temps) dans une logique socialement vertueuse, pour leur parcours personnel comme pour la collectivité.

     3) Une nouvelle politique industrielle à l'échelon européen est indispensable pour ne pas se résoudre à la désindustrialisation annoncée, ou à sa délégation à quelques grands groupes capitalistes. Il n’y a pas de fatalité à voir partir les outils de production, et dès lors l’emploi dans le secteur secondaire, dans des pays où la faiblesse des normes sociales est érigée en norme. Il faut une anticipation et une participation des pouvoirs publics, orientées vers des secteurs d’avenir, durables et innovants, sans pour autant abandonner les filières actuelles stratégiques (automobile, aéronautique, construction navale…), centrales pour un grand nombre de bassins d’emploi et donc de bassins de vie. 

     Dans ce sens, l’Etat actionnaire doit être valorisé pour peser dans les stratégies d’entreprises, pour aider les secteurs fragilisés, et être moteur des choix collectifs de long terme. Mais pour changer la donne au niveau mondial, nous devons raisonner à l’échelon communautaire : L’Europe de l’énergie et l’Europe de la recherche doivent devenir des réalités, tout comme la socialisation de nos moyens de transports dans un grand service public européen.


 Pour un modèle de développement solidaire:

     Nous avons souvent répété que changer de politique nécessitait de changer la politique. Nous estimons toujours que les structures dans lesquelles sont organisés les débats ont une influence sur la conclusion de ceux-ci. Nos proclamations d’internationalisme doivent devenir cohérentes. Nous devons soutenir la lutte contre la corruption, domaine dans lequel l’Union Européenne a acquis certains savoir-faire. Nous devons aussi assumer que la mondialisation n’est pas mauvaise en soit, et que nous soutenons une autre vision qui ne la limite pas aux échanges incontrôlés de capitaux.

     La déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 porte des valeurs auxquelles nous adhérons comme beaucoup de démocrates dans le monde.

Il s’agit désormais de créer les conditions de négociations rendant possible les conditions d’un réel co-développement, orienté prioritairement sur les objectifs suivants :

  1. Répondre à la crise alimentaire: 

     L’agriculture mondiale a aujourd'hui la capacité de nourrir douze milliards d'être humains (rapport Ziegler sur le droit à l'alimentation), et pourtant, la faim touche 840 millions de personnes. De même, 2,5 milliards de personnes n’ont pas accès à l’eau potable. Ces atteintes quotidiennes à la dignité de l’homme provoquent des crises sanitaires en favorisant l’expansion des maladies infectieuses et en condamnant ces populations au sous-développement.

Nous devons donc soutenir le droit à la souveraineté alimentaire, et valoriser les propositions de « Via Campesina » : 

- un soutien à l’agriculture vivrière face à l’agriculture d’exportation, en favorisant les modes de production biologiques, et en garantissant un accès des terres arables à tous ; 

- un commerce équitable, où les denrées agricoles sont payées à leur juste prix et où les subventions sont réservées aux marchés intérieurs ; 

- une défense du patrimoine agricole mondial, via un investissement public massif dans la recherche agronome et une lutte contre le monopole des grands semenciers, visant à l'adoption d'une réglementation stricte sur la culture, la commercialisation et l'étiquetage de productions issues du génie génétique. 

  1. Répondre à l'urgence sanitaire:

     Les maladies infectieuses tuent chaque année dans le monde une quinzaine de millions de personnes dont entre un tiers et la moitié pourraient être évitées avec une prévention et des traitements adaptés. Ainsi, des mesures de prévention doivent être développées par des campagnes de sensibilisation (sur les moustiques pour le paludisme, sur les rapports sexuels pour le SIDA), un développement de l'hygiène, une meilleure gestion de l'eau dans les pays défavorisés, et une généralisation de la vaccination pour les maladies endémiques dans une zone visée (choléra, rougeole, etc). La mise en place de systèmes de santé publics corrects et d'une couverture minimale pour la population dans les pays pauvres doit être encouragée en conditionnant et en surveillant le versement d’une aide internationale accrue.

  1. Répondre à l'urgence écologique:

    La transition énergétique doit être amorcée rapidement, en plaidant en premier lieu pour la modération énergétique, pour atteindre les objectifs d’une division par 4 de la facture énergétique d’ici 2050. Il faut donc lancer un vaste chantier d'adaptation de nos pays dans les deux secteurs prioritaires : la réhabilitation des logements (isolation et éclairage) et les transports (transports collectifs, ferroutage, abandon progressif des projets autoroutiers). Ces projets militent contre l’étalement urbain et la redéfinition de la ville durable. 

     Parallèlement, les énergies renouvelables, telles que la biomasse ou le solaire, doivent se développer. Le développement du nucléaire doit être écarté de ce scénario, en raison des risques de prolifération, des problèmes récurrents des déchets, et des réserves limitées d’uranium.

  1. Répondre à l’urgence démocratique: 

    Le système onusien, conçu dans un après-guerre largement dominée par les puissances coloniales et les deux Grands (URSS et États-Unis) doit être réformé. Si la suppression des sièges permanents au Conseil de Sécurité serait souhaitable - car démocratique - il serait probablement plus réaliste de chercher à obtenir la démocratisation de ce collège en permettant aux nouvelles puissances (Afrique du Sud, Japon, Inde, Brésil, etc.) d'y siéger. De même, la création d'une véritable diplomatie européenne devrait être suivie par la cession du siège de la France au représentant de l'UE. 

Il faut doter l'ONU d'une force militaire propre, en capacité de structurer les opérations de maintien de la paix. L’Eurocorps en constitution doit être mis à la disposition du Conseil de Sécurité. 

Nous savons bien que le libre-échange ne peut être juste que s'il est installé entre des partenaires de mêmes puissances économiques et sociales. Dans ces conditions, il peut même être un facteur de développement. C'est pourquoi nous défendons le droit les pays en développement à créer des marchés intégrés régionaux et homogènes, tout en maintenant des frontières protectrices pouvoir se battre commercialement à armes égales avec les pays du nord.

Il est urgent que les traités régissant le fonctionnement de l'OMC soit réformés en introduisant des dispositions sociales et écologiques primant sur les règlements économiques et concurrentiels, et d'assumer ainsi le fait que le développement économique n'a de sens que s'il est accompagné de progrès écologiques et sociaux.

  1. Répondre à l’urgence sociale:

     Le rapide développement de pays autrefois pauvres comme l'Inde, la Chine ou dans une autre mesure l'Indonésie, etc. ne peut que satisfaire les socialistes, surtout quand il contribue à sortir des millions de travailleurs de la misère. Toutefois, les travailleurs de ces pays récoltent moins que des miettes, travaillant dans des conditions indignes, l'immense majorité des bénéfices revenant au capital. De plus, ce développement se fait souvent dans des conditions dramatiques pour l'environnement. Nous ne prétendons pas imposer à l'ensemble des pays du globe nos conditions de production : mais au fur et à mesure de leur développement, les pays devront prendre des mesures pour protéger l'équilibre écologique et assurer à leurs travailleurs des conditions de vie et de travail décentes. L'Union Européenne devra imposer à ceux qui se refuseront à ces changements, notamment  une fois qu'ils seront membres de l'OMC, la négociation de montants compensatoires sur leurs exportations afin de contrer la concurrence déloyale sur les plans sociaux et écologiques. L'argent ainsi récolté financerait les politiques nécessaires à la réparation des dégâts engendrés, le but étant évidemment que les Etats ainsi taxés finissent par choisir d'assumer eux-mêmes ces critères de co-developpement.


Les enjeux immédiats: 

     Nous sommes à la veille des élections européennes qui décideront de l’orientation politique de l’UE pour les 5 années à venir. L’Europe est un cadre plus adapté que le strict cadre national pour promouvoir nos objectifs humanistes. Elle seule peut influer sur les négociations internationales, ou soutenir les propositions de réformes.

     Les socialistes et sociaux-démocrates européens ne nous ont pas attendus pour promouvoir des objectifs sociaux et environnementaux dans le cadre du Manifeste du PSE, même si nous pouvons le considérer à certains égards imparfait.. A nous de nous joindre à leurs efforts, conscients que l’unité de la Gauche n’est pas qu’un discours franco-français, et que le rassemblement de la Gauche européenne nous permettra de mieux promouvoir nos idéaux. Ainsi, plus utiles, nous serons aussi à la hauteur de l’enjeu.


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